Histoire de famille 5 : Tigresse
Meouuuu,
Heu, bonjour.
Mon grand-frère Titou et mes sœurs Nouchka et Câline ayant déjà raconté leur histoire, il paraît que je dois faire de même. Franchement, je ne vois pas pourquoi. D’abord, vous savez déjà presque tout ; ensuite, je n’aime pas faire comme tout le monde ; enfin, ça n’a rien d’extraordinaire. Enfin, quand il faut, il faut.
J’ai vu le jour dans les tous premiers jours de juillet 2005. Enfin, quand je dis, j’ai vu, disons que j’ai senti le jour. On appelle cela naître. C’était une espèce de terrier derrière une palissade, à la limite d’un petit bois et d’un champ où ma mère allait chasser. Au début elle ne laissait pas aller bien loin. C’était bien, elle nous faisait plein de câlins, nous donnait du bon lait chaud. Notre père aussi nous donnait parfois des câlins. Ma mère était un mélange de chat tigré et de pelage gris. Mon père était tout roux avec des yeux beiges. Moi, je suis complètement tigrée noir et marron clair. Je suis toute belle, nah ! Notre mère nous laissait souvent, soit pour aller chasser le soir et le matin, soit pour aller voir d’autres chats et une sorte de bipède dans la journée. On savait que ce n’était pas pour aller chasser car on entendait toujours cette même sorte d’appel qu’elle écoutait et alors elle nous laissait. Peu de temps au début, puis de plus en plus longtemps.
Un jour, elle a répondu à cet appel, mais elle est revenue presque tout de suite, et elle nous a emmenées (enfin, elle nous a plutôt poussées) vers une sorte de petite clairière avec des tables en bois et des bancs où il y avait d’autres chats, et l’Homme ! Je n’étais pas rassurée du tout. Mais il y avait des gamelles avec plein de choses nouvelles. J’hésitais pas mal, mais ma mère en mangeait, alors j’ai essayé. Il faut dire que ma sœur Câline mangeait déjà. Quelle vorace celle-là ! L’ennui, c’est que ces gamelles étaient juste à côté de l’Homme assis sur un banc. Je mangeais donc en gardant un œil sur lui. On ne sait jamais. Dès qu’il faisait un bruit ou bougeait, je filais derrière la palissade. Mais bon, il semble qu’il ne faisait rien. Quelques jours plus tard, il a caressé mes deux sœurs, mais moi, je suis prudente, je ne laissais pas toucher.
Dans cette clairière, il y avait aussi deux chatons beaucoup plus vieux que nous : un mois de plus ! Un mâle blanc et tigré, et une femelle isabelle blessée à l’œil. Ils étaient sympas, et on jouait bien avec eux. Je ne sais pas pourquoi, mais la femelle a disparu un jour alors que son œil était presque complètement guéri. J’aimais beaucoup le mâle, et comme il aimait beaucoup l’homme, j’ai fini par me laisser caresser, mais en restant méfiante. Notre mère ne voulait plus nous donner de lait, et elle grognait quand on essayait. Mais elle nous aimait quand même, elle nous câlinait et nous nettoyait. Notre grand frère Titou aussi. Il était génial. Il jouait avec nous, nous lavait, nous apprenait des trucs, nous montrait des endroits. Tout allait bien.
Mais là, les choses ont changé.
Notre grand-frère suivait parfois l’homme quand il s’en allait. L’homme ne voulait pas, et notre Titou revenait vite avec nous. Pourtant un soir, il a suivi l’Homme, et on ne l’a plus revu. Enfin, pas trop grave, on était trois petites filles folles de jeu. La nourriture venait tous les jours, et maman veillait sur nous.
Malheureusement, ce n’était que le début des malheurs. Un soir, on a retrouvé notre mère toute raide au bord de la route (là où pleins de machines bruyantes arrivent à toute vitesse. Maman et l’Homme nous interdisaient de nous en approcher). On se retrouvait trois petites chatonnes toutes seules. Notre père passait parfois. Il acceptait nos caresses, mais ne nous en faisait pas. Notre grand-mère (la mère de Titou) nous chassait méchamment et on n’avait plus Titou pour nous défendre. Enfin, quand l’Homme était là, on pouvait manger et jouer tranquillement, il l’empêchait de nous attaquer. Du coup, j’acceptais ses caresses. Je montais même sur ses genoux. Il était sympa finalement.
Sauf qu’il est venu avec une cage et a fait rentrer ma sœur Nouchka dedans. Elle est entrée sans problème, et l’Homme est parti avec elle. C’était dommage, mais enfin, c’était avec mon autre sœur Câline que je jouais le plus, et c’est avec elle que je dormais enlacées.
Les ennuis ont continué. Ma sœur Câline est tombée très malade. Elle ne mangeait presque plus. Ses selles étaient presque comme de l’eau. Je prenais soin d’elle. Je la lavais. Je lui ai trouvé un terrier (elle ne pouvait plus courir ni grimper), et je rentrais derrière elle pour en garder l’entrée. L’Homme a mis quelque chose dans l’eau. Ca changeait le goût, mais il a forcé Câline à en boire au début, et finalement, c’était buvable. Du coup, on en a tous bu naturellement. Je ne sais pas ce que c’était, mais ma sœur a commencé à aller mieux. En moins d’une semaine, elle avait repris du poil de la bête, remangeait, et recommençait même à jour. Quand l’Homme était là, elle me laissait souvent pour aller sur ses genoux, jamais longtemps (elle ne reste pas en place), mais y retournait sans arrêt.
Les ennuis n’étaient pas finis. Il a commencé à faire très froid. L’eau était dure. Heureusement l’Homme nous apportait aussi de l’eau pas dure quand il nous apportait à manger. Mais c’est moi qui suis tombée malade. Quand l’Homme venait, je préférais aller me blottir dans son manteau plutôt que de manger. Je tremblais sans arrêt. L’Homme me tenait chaud et me caressait, mais je continuais à trembler sans arrêt.
L’Homme croyait que j’avais froid. C’était vrai, mais il y avait autre chose. Il est venu avec la cage avec laquelle il avait emmené notre sœur Nouchka et nous a poussées dedans. Il nous a mis dans une de ces machines qui vont si vite. On n’osait rien dire. Au moins il faisait chaud, et finalement l’Homme ne nous avait jamais fait que du bien. J’avoue qu’on était entré dans la cage sans problème, mais qu’on était pas rassurées du tout.
On est entré dans une maison, lieu que nous avions toujours soigneusement évité, monté un escalier, et là, l’Homme a ouvert la cage. La première chose qu’on a vu, c’était notre grand-frère Titou (alias Timatou) qui n’avait vraiment plus rien d’un chat sauvage :
Il y avait aussi notre sœur Nouchka, qui n’a pas semblée contente du tout de nous voir. Autant Titou a accepté nos caresses et nous a léchées tout de suite, autant Nouchka nous a grognées, puis ignorées. Il y avait aussi la Femme. Là, je me méfie beaucoup. L’Homme, je sais qu’il ne nous fait pas de mal, mais les autres humains, hummm.
Ensuite, ce qu’on a vu, c’est qu’il y avait de belles gamelles pleines. Ca, c’était sympa :
Bon, finalement, ça aurait pu être pire. J’ai vite trouvé le trou qui permet de sortir (et même de rentrer). Et pendant les deux premières semaines, j’ai gardé mes distances. Je mangeais le matin, puis je sortais de suite après. Je rentrais tard le soir pour manger, et aussi pour dormir. Il faisait si froid dehors, et la nuit, on ne voyait pas la Femme, et l’Homme un moment. En plus, j’ai vite compris, comme mes sœurs, qu’il y avait un endroit ou ni l’Homme, ni la Femme n’essayaient de me toucher : un beau panier bien douillet :
Après deux semaines, j’ai commencé à venir de temps en temps dans la journée. D’abord, il faisait meilleurs dans cette maison que dehors avec la pluie et le froid ; ensuite, mes deux sœurs et mon grand-frère sortaient peu, et j’avais envie de jouer avec eux.
Maintenant, je reste dans la maison avec eux. Je vais même me faire câliner sur les genoux de l’Homme. Par contre, j’évite encore la Femme, bien qu’hier elle m’ait donné un bout de fromage génial. J’ai même osé mettre ma patte sur sa jambe. Comme il fait moins froid, on peut sortir plus souvent et plus longtemps. J’explore le jardin, et même les jardins des autres maisons. Je crois que je vais finalement me plaire ici. Pour la Femme, hum, on verra.
Voilà. Je vous ai aussi raconté mon histoire. Je vous l’avais dit : rien d’extraordinaire, juste une vie de chat sauvage qui hésite encore souvent entre sa vie sauvage et la douceur de la maison avec les câlins de l’Homme, mon grand-frère que j’aime toujours autant, et mes deux sœurs.
Tigresse